ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE SESSION
ORDINAIRE DE 1996 relative
à l'histoire et à l'apprentissage de l'histoire en Europe 1.
Tout individu a le droit de connaître son passé ainsi que le droit de le
désavouer. L'histoire est l'un des moyens de retrouver ce passé et de
forger une identité culturelle. C'est aussi une porte ouverte sur l'expérience
et la richesse du passé et d'autres cultures. L'histoire est une
discipline qui développe l'approche critique de l'information et l'imagination
contrôlée. 2.
L'histoire a aussi un rôle politique clé à jouer dans l'Europe d'aujourd'hui.
Elle peut favoriser la compréhension, la tolérance et la confiance entre
les individus et entre les peuples d'Europe. Elle peut aussi devenir une
force de division, de violence et d'intolérance. 3.
La connaissance de l'histoire est importante pour la vie civique. Sans
elle, l'individu est plus vulnérable, sujet à la manipulation, politique
ou autre. 4.
Pour la plupart des jeunes, l'histoire commence à l'école. Elle ne
devrait pas consister à apprendre par cœur des faits historiques pris au
hasard; elle devrait être une initiation sur les modes d'acquisition des
connaissances historiques, de façon à développer l'esprit critique et
à favoriser un comportement démocratique, tolérant et civilement
responsable. 5.
Les établissements scolaires ne sont pas les seules sources d'information
et d'opinion sur l'histoire. Parmi d'autres sources on peut citer les
moyens de communication de masse, le cinéma, la littérature et le
tourisme. Une influence est également exercée par la famille, les pairs,
les communautés locales et nationales, et par les cercles religieux ou
politiques. 6.
Les nouvelles technologies de communication (CD-I, CD-ROM, Internet, réalité
virtuelle, etc.) sont en train d'élargir progressivement la portée et
l'impact des sujets d'histoire. 7.
Il est possible de distinguer plusieurs formes d'histoire: la tradition,
les souvenirs et l'histoire analytique. La sélection des faits obéit,
dans chacune des formes, à des critères différents. Et ces différentes
formes d'histoire remplissent des rôles différents. 8.
Les hommes politiques ont leur propre interprétation de l'histoire, et
certains sont tentés de la manipuler. Presque tous les systèmes
politiques ont utilisé l'histoire pour servir leurs intérêts et ont
imposé leur version des faits historiques ainsi que leur définition des
bons et des méchants en histoire. 9.
Même si leur but est d'être le plus objectif possible, les historiens
sont aussi très conscients de la subjectivité de l'histoire et des différentes
manières dont on peut la reconstruire et l'interpréter. 10.
Les citoyens ont le droit d'apprendre une histoire non manipulée. L'Etat
devrait donc assurer ce droit et encourager une approche scientifique
appropriée, sans déformation religieuse ou politique, de tout ce qui est
enseigné. 11.
Les enseignants et les chercheurs devraient se concerter pour assurer
continuellement la mise à jour et le renouvellement du contenu de l'enseignement
de l'histoire. Il est important que l'histoire avance de pair avec le présent. 12.
La transparence devrait être de mise entre tous ceux qui travaillent dans
les domaines de l'histoire, que ce soit la salle de classe, le studio de télévision
ou la bibliothèque d'université. 13.
Une attention particulière devrait être accordée à la problématique
de l'Europe centrale et orientale qui a tant souffert de la manipulation
de l'histoire jusqu'à tout récemment et qui dans des cas d'espèce est
encore assujettie à une censure politique. 14.
L'Assemblée recommande au Comité des Ministres d'encourager l'enseignement
de l'histoire en Europe en formulant les propositions suivantes: i.
la connaissance de l'histoire devrait être une part essentielle de l'éducation
des jeunes. Son enseignement devrait permettre aux élèves d'acquérir la
capacité intellectuelle d'analyser et d'interpréter l'information d'une
manière critique et responsable, de saisir la complexité des sujets et
d'apprécier la diversité culturelle. Il importe d'identifier les stéréotypes
et autres perversions fondés sur des préjugés nationaux, raciaux,
religieux et autres; ii.
le contenu des programmes d'histoire devrait être très ouvert. Il
devrait comprendre tous les aspects des sociétés (l'histoire sociale et
culturelle aussi bien que l'histoire politique). Le rôle des femmes
devrait être dûment reconnu. L'histoire locale ainsi que l'histoire
nationale (mais pas nationaliste) doivent être enseignées, ainsi que l'histoire
des minorités. Les événements controversés, sensibles et tragiques
devraient être équilibrés par rapport aux influences positives
mutuelles; iii.
l'histoire de toute l'Europe, l'histoire des principaux événements
politiques et économiques, ainsi que les mouvements philosophiques et
culturels, qui ont formé l'identité européenne, doivent figurer dans
les programmes d'enseignement; iv.
les établissements scolaires doivent reconnaître les différentes façons
de traiter les mêmes sujets dans différents pays, et cela peut être développé
comme base pour des échanges scolaires; v.
l'institut Georg Eckert pour la recherche internationale sur les manuels
scolaires devrait être soutenu, et les ministères de l'Education et les
éditeurs de manuels scolaires des Etats membres devraient veiller à ce
que la collection de manuels de l'institut soit maintenue à jour; vi.
il faut combiner les différentes formes d'apprentissage de l'histoire (l'étude
du manuel, la télévision, les exposés, la visite de musées, etc.) sans
privilégier, de façon exclusive, l'une d'entre elles. Les nouvelles
technologies de l'information doivent s'intégrer pleinement dans ce
processus. Des critères éducationnels (et académiques) appropriés pour
la sélection du matériel à utiliser devraient être assurés; vii.
une plus grande interaction devrait être favorisée entre les influences
scolaires et extrascolaires sur l'appréciation de l'histoire par les
jeunes, par exemple par les musées (et en particulier par les musées d'histoire),
les routes culturelles et le tourisme en général; viii.
les approches novatrices à l'enseignement de l'histoire devraient être
encouragées, ainsi que la formation professionnelle continue, notamment
en ce qui concerne les nouvelles technologies. L'établissement d'un réseau
interactif d'enseignants d'histoire devrait être encouragé. L'histoire
devrait être une priorité pour les séminaires européens d'enseignants
organisés dans le cadre du programme du Conseil de la coopération
culturelle pour la formation continue des enseignants; ix.
il faut favoriser la coopération entre les enseignants et les historiens,
par exemple par le biais du nouveau projet du Comité de l'éducation du
Conseil de la coopération culturelle sur l'apprentissage et l'enseignement
de l'histoire de l'Europe au XXe siècle; x.
les gouvernements devraient soutenir la création d'associations
nationales indépendantes des enseignants d'histoire. La participation
active de celles-ci dans l'association européenne des enseignants d'histoire
Euroclio devrait être encouragée; xi.
un code de conduite pour l'enseignement de l'histoire devrait être préparé
en collaboration avec les enseignants en histoire, ainsi qu'une charte
européenne pour les protéger des manipulations politiques. 15.
L'Assemblée soutient la liberté de recherche académique mais s'attend
également à la même responsabilité professionnelle que celle demandée
aux professionels de la radiodiffusion. En conséquence, l'Assemblée
recommande au Comité des Ministres : i.
de demander aux gouvernements d'assurer un financement continu de la
recherche en matière d'histoire et des travaux des commissions multilatérales
et bilatérales sur l'histoire contemporaine; ii.
de promouvoir la coopération entre historiens, en prenant en compte différentes
expériences et opinions, en vue de favoriser le développement d'attitudes
plus ouvertes et plus tolérantes en Europe; iii.
d'assurer la protection du droit des historiens à la liberté d'expression. 16.
Une collaboration européenne dans le domaine de l'histoire devrait être
encouragée. L'Assemblée recommande au Comité des Ministres: i.
d'étudier les éléments de base des diverses histoires des peuples de l'Europe
qui, acceptés par tous, pourraient être intégrés dans tous les manuels
d'histoire européenne; ii.
d'examiner la possibilité d'établir dans les Etats membres une bibliothèque
électronique de l'histoire; iii.
d'encourager les Etats membres à établir des musées nationaux d'histoire
sur le modèle allemand de la «Maison de l'histoire» à Bonn; iv.
de promouvoir les projets multilatéraux et bilatéraux dans le domaine de
l'histoire et de l'enseignement de l'histoire, et en particulier les
projets régionaux entre pays voisins. Texte
adopté par l'Assemblée
le 22 janvier 1996 (1re séance). |